Bonjour,
Mes parents déménagent prochainement, et quand, il y a quelques mois, j’ai replongé dans mes vieilles affaires d’adolescente1 je suis tombée sur deux journaux intimes qui datent de mes 13 ans environ. Les relire a été tout à fait mortifiant.
J’y écrivais en long en large et en travers mes peines de cœur, ou plutôt, mes obsessions pour des garçons dont le prénom ne me dit aujourd’hui plus rien. J’écrivais que j’en aimais un, puis deux mois plus tard, en arrivait un autre, remplaçant dans mon cœur le premier. Et puis j’ai failli m’étrangler d’horreur quand j’ai lu que je m’imaginais mariée et avec des enfants avec l’un de ces garçons.
Ce qui m’a rendue perplexe c’est que je n’avais absolument aucun souvenir d’avoir été cette petite adolescente, ou plutôt, d’avoir réellement pensé ce que j’avais écrit, pleine d’exaltation, dans mes carnets. Et plus généralement : est-ce que j’avais d’autres centres d’intérêt mis à part l’amûûûr ?2
En grandissant, je sais que l’amour romantique, tel que je l’idéalisais, prenait toujours beaucoup trop de place dans mes préoccupations. Je me désole d’ailleurs parfois d’avoir été cette jeune femme dont l’une des aspirations principales était de rencontrer l’amour, le vrai. Et d’autant plus maintenant que mon éducation féministe a été faite, et que je réalise à quel point bon nombre de mes envies n’étaient peut-être pas vraiment les miennes.
Peut-être que si je n’avais pas usé tant d’espace mental à essayer de plaire aux hommes, à espérer rencontrer l’amour de ma vie à chaque coin de rue (parce que la vie est comme dans les films romantiques évidemment, notre âme sœur va probablement nous bousculer dans le métro) ou encore à être triste parce que l’élu de mon cœur ne vouait pas à mon encontre les mêmes sentiments que moi3, j’aurais accompli bien plus de choses pour moi.
Ceci étant dit, je ne regrette absolument pas ma vingtaine - je me suis beaucoup amusée, j’ai eu plein d’aventures qui ont fait de moi la personne que je suis aujourd’hui et honnêtement, j’aime assez cette personne donc oui, je ne regrette rien. Rien… si ce n’est que j’aurais vraiment aimé ne pas avoir tant pensé que rencontrer quelqu’un serait la seule voie possible au bonheur et à l’épanouissement.
Quand on est une femme, dans notre belle société patriarcale, on nous apprend très tôt que l’accomplissement de notre vie passe par la validation du regard masculin. On doit plaire aux hommes (en se pliant à milles idéaux impossibles à réaliser) et être en couple devient notre objectif numéro un. Et visiblement, on ne se pose pas forcément toujours la question de savoir si on aurait pas d’autres choses plus intéressantes à faire.
Je me demande souvent si les jeunes générations sont différentes. Est-ce qu’une jeune fille de 13 ans aujourd’hui aura vu davantage de films avec des héroïnes fortes et indépendantes, qui ne finissent pas forcément en couple ? Est-ce que leurs imaginaires auront été peuplés d’histoires d’amitiés, d’aventures et pas seulement d’amour ? Et est-ce qu’on arrête enfin de demander aux jeunes enfants s’ils ont des amoureux ou des amoureuses ?
Paradoxalement, quand je réfléchis aux œuvres de pop culture qui ont façonné mon enfance et mon adolescence, il n’y a pas que des comédies romantiques. J’ai lu et relu inlassablement Harry Potter et le Seigneur des Anneaux, des univers fantastiques où l’amour romantique est loin d’être le sujet central. Mais oui, j’ai aussi soupiré devant Orgueil et Préjugés (le film de 2005 étant à ce jour encore l’un de mes favoris), regardé des dizaines de fois Moulin Rouge! et beaucoup trop lu Star Club et compagnie, ces magazines où l’on suivait la vie (amoureuse notamment) des stars de l’époque.
C’est peut-être aussi facile pour moi de remettre en cause cette omniprésence du modèle amoureux, maintenant que je suis moi-même en couple avec un homme plutôt chouette (ou c’est en tout cas ce que vous pourriez me dire) mais si je suis effectivement heureuse d’avoir un partenaire de vie qui partage mes valeurs, mes envies et certains de mes goûts, aujourd’hui, je sais que je n’ai pas besoin de lui.
Quand je l’ai rencontré, il y a maintenant six ans, j’étais dans une période de ma vie plutôt heureuse, sur un plan émotionnel. J’espérais toujours rencontrer quelqu’un avec qui partager ma vie, mais j’étais aussi heureuse de mon indépendance et surtout, je crois que je réalisais enfin que l’amour romantique n’était pas la seule et unique chose qui pourrait m’apporter du bonheur.
Dans un épisode de Queer Eye que nous avons regardé l’autre jour, un couple déclarait avoir besoin l’un de l’autre. Et face à mon mec qui me regardait à ce moment là, je lui ai déclaré que je n’avais pas besoin de lui, moi : j’avais choisi d’être à ses côtés, parce que j’en avais vraiment envie, et je ne sais pas vous, mais je trouve ça beaucoup mieux.
Mes recommandations culturelles
Voici quelques uns de mes derniers coups de cœur culturels, en espérant que ça vous donne des idées !
À savoir aussi que j’ai décidé de reprendre cette année plus sérieusement mes partages culturels sur Instagram, dont voici la première édition. Je le ferai tous les mois ou tous les deux mois, selon mon temps (et ce que j’ai à partager) mais vous aurez sans doute des petites choses en avant première par ici…
📚 Sur le thème de cette newsletter, j’ai lu en début d’année une BD qui m’a fortement rappelée ma propre adolescence : Mes quatorze ans, enquête sur ma découverte de la sexualité, de Lisa Chetteau, Lucie Mikaélian et Jeanne Boëzec. Un peu comme moi chez mes parents, Lucie raconte dans cette BD comment elle a retrouvé son journal intime de ses 14 ans où elle consignait ses désirs, ses amours et surtout son obsession de perdre sa virginité.
La BD interroge nos envies et obsessions de l'époque, façonnées par la société (et le patriarcat..) et c’était assez drôle, émouvant aussi, et plein de nostalgie quand on est, comme moi, de la même génération. Ça faisait pas mal écho à toutes les réflexions qui ont découlé de ma propre découverte de journal intime, même si moi, à 14 ans, j’étais bien moins obsédée par le sexe que par l’amour romantique.
J'ai parfois trouvé la BD un peu longue, un peu répétitive et sa fin m'a parue un peu abrupte, mais c'était malgré tout un bon moment de lecture. À noter quand même qu'on est dans un récit d'une jeunesse assez bourgeoise, citadine, privilégiée, blanche et hétéro, donc ça risque de ne pas parler à tout le monde…
Récemment j’ai aussi lu le dernier roman de Chris Vuklisevic, Porcelaine sous les Ruines (qu’elle a publié sous le pseudo Ada Vivalda), une romantasy (romance & fantasy) qui promettait un univers à la croisée de Bridgerton (que je n’ai pas vu) et de La vie invisible d’Addie Larue (que j’ai lu et adoré), dans une ambiance post-apocalyptique (oui, oui).
Le résultat est aussi unique que son avant-dernier roman, Du Thé pour les Fantômes, que j’avais beaucoup aimé, étant donné qu’elle a réussi à créer un univers post-apocalyptique cosy et feutré, peuplé de personnages hauts en couleur et attachants. Le récit est une romance enemies to lovers qui m’a d’abord parue un poil caricaturale, mais qui a fini par m’emporter tant la plume de l’autrice m’a de nouveau charmée. À lire un jour pluvieux, avec une grande tasse de thé !
🎬 Hasard de la vie, le film que je vais vous conseiller est un film qui parle… d’amour. Il s’agit de Past Lives (Nos vies d’avant en VF) un film de Celine Song, qui est d’une délicatesse et d’une justesse rare.
On y rencontre Nora et Hae Sung, dont on suivra la relation sur quelques dizaines d’années. Elle a émigré en Amérique du Nord à 12 ans, et lui est resté en Corée. Ils se perdent, se retrouvent, se perdent à nouveau et se retrouvent encore un peu plus tard…
Je n’ose trop en dire, votre découverte n’en sera que plus poignante. Mais ce que je peux vous dire, c’est que c’est un film très Yasmine-core - il y a de la nostalgie, beaucoup, des plans magnifiques (de New York notamment), une certaine lenteur qui n’a rien d’ennuyeux et un questionnement sur le temps, sur l’amour, d’une grande intelligence et finesse. À voir, absolument.
🎧 Chose incroyable : je vais vous conseiller un podcast ! Comme je marche un peu plus régulièrement ces temps-ci, j’ai davantage de temps pour en écouter, et le dernier que j’ai adoré c’est Soluce, un nouveau podcast animé par Lucie Ronfaut (dont je vous recommande aussi mille fois la newsletter, Règle 30, qui parle de tech sous un angle féministe et inclusif) et Hugo Terra, qui aborde nos pratiques vidéoludiques à travers le prisme de la société et franchement, c’est vraiment très intéressant.
Le podcast compte (à l’heure où je vous écris) trois épisodes très différents, mais qui m’ont tous trois appris des choses et beaucoup plu ! Le premier aborde le terme de “gamer” et je n’imaginais pas qu’il y avait autant de crispations autour de ce terme, le second parle de nourriture et de jeux vidéo (miam) et enfin le troisième interroge l’effet des jeux vidéo sur le corps et parle longuement d’accessibilité.
Si vous jouez aux jeux vidéo, mais surtout si vous vous intéressez à cet univers et à la façon dont ce dernier dialogue avec notre société : c’est pour vous !
Je vous laisse avec cette chanson que j’écoute un peu en boucle depuis sa sortie, et surtout depuis que je l’ai vue sur scène, vu que je suis retournée voir Nothing but Thieves en concert avec mon gang préféré il y a peu ! (ce n’était pas mon concert favori de NBT, j’ai trouvé le son assez mauvais selon les chansons - balance des instruments ? sonorisation de la salle ? - et je tentais de rester en vie, masquée en fosse, en couvant une grippe, mais c’était tout de même chouette)
J’espère que cet hiver vous apporte douceur et repos - le printemps arrive bientôt, tenons bon !
Bon dimanche et à bientôt.
Je me suis aussi, enfin, résolue à mettre à la benne tous mes cahiers d’écolière et autres notes de cours retraçant minutieusement ma scolarité. J’ai toujours été un peu sentimentale mais tout garder n’avait aucun sens, mais c’est une autre histoire.
Bon ça je sais que oui, à l’époque c’était le Seigneur des Anneaux, Orlando Bloom et les Sims aussi.
Ah, le unrequited love (l’amour à sens unique), ma spécialité fut un temps !
Quand on était ado on avait les hormones qui nous titillaient beaucoup aussi 😅 Puis avec tous les films et séries où l’héroïne n’avait pour but que de trouver LE mec pour le bal de promo, être enfin en couple.. ça n’a pas aidé 😝
Merci pour la reco du podcast ! J’en cherchais de nouveaux à écouter !
Hello, je suis d'accord et pas d'accord à la fois. En effet, on n'a pas besoin de ça pour vivre, avancer et on est bien trop influencées par les représentations de l'amour romantique qui épanouit. Néanmoins, je me rappelle que des tweets sur ton célibat avaient retenu mon attention avant que tu ne sois en couple. Donc forcément, moi qui soit encore dans cette situation, je ne peux m'empêcher de penser "c'est facile à dire". Et puis la nouvelle injonction à être heureuse seule, bah c'est encore une injonction. Je voulais juste dire qu'on a aussi le droit d'espérer très fort trouver quelqu'un pour partager sa vie sans pour autant être dépendante et gâcher sa vie à attendre